Ancienne fleuriste, l’élue de La Roche-sur-Foron doit notamment son ascension à une manière de défendre son territoire très influencée par la politique suisse

Avec ses yeux bleus pétillants, sa voix douce et sa blondeur, on pourrait la croire sortie d’un conte de fées. Mais Christelle Petex préfère le Palais-Bourbon, siège de l’Assemblée nationale, aux palais princiers – même si elle a choisi d’installer sa permanence dans une ancienne cité médiévale de France voisine, La Roche-sur-Foron.

Depuis plus de trois ans, elle représente la troisième circonscription de Haute-Savoie à Paris. Un territoire de 55 communes, vaste de 715 km², comptant plus de 125 000 habitants, aux portes de Genève. «Pour exercer une telle fonction, il faut savoir se créer une solide carapace pour avancer», dit l’intéressée, oscillant entre assurance et timidité. Plusieurs députés français la décrivent «comme une femme accessible, ancrée dans son territoire, pragmatique, impliquée et dotée d’un grand courage» politique. «Je n’ai pas que des qualités. J’ai aussi un fort caractère et on me dit parfois que je suis trop pailletée au niveau vestimentaire pour une élue. Mais j’assume, je ne veux pas entrer dans le moule», indique Christelle Petex.

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La Suisse comme modèle

Cet automne, elle s’est fait remarquer sur deux dossiers transfrontaliers. Le premier, la proposition de création d’une zone franche dans le Genevois français, pour faire face à la concurrence des employeurs helvétiques. Les firmes hexagonales se verraient exonérées de charges, mais dans l’obligation de reverser ces sommes à leurs collaborateurs pour renforcer leur pouvoir d’achat et les fidéliser sur le sol français.

Second dossier: le chômage des frontaliers français. Au mois d’octobre 2024, elle a soutenu le projet visant à réformer le dispositif d’indemnisation des frontaliers au chômage, afin qu’il coûte moins à la France. Certains électeurs frontaliers de Christelle Petex-Levet se sont sentis directement attaqués. «Sur ce sujet, mes intentions ont parfois été mal comprises», déplore l’élue des Républicains.

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Le système politique suisse l’inspire énormément. Elle loue son côté organisé: «Pour un sujet, nous avons un seul interlocuteur. En France, il n’est pas rare d’en avoir des dizaines, ce qui complexifie les échanges et les ralentis.» L’élue se dit aussi admirative de la considération accordée à l’avis des experts: «En Suisse, ils ont la même importance que les politiques, alors qu’en France on a tendance à minimiser leur importance et à ne pas tirer le meilleur d’eux.» Elle poursuit: «Je sais que le système suisse n’est pas intégralement transposable, mais j’ai l’ambition de le prendre comme modèle dans mes fonctions.»

© Christophe Chammartin / Le Temps
© Christophe Chammartin / Le Temps

Une actrice transfrontalière

Christelle Petex parle de ses racines avec passion. Pendant plusieurs minutes, elle conte son enfance entre les communes haut-savoyardes de Pers-Jussy et Reignier-Esery, puis les rapports transfrontaliers. A cette époque, «l’écart salarial n’était pas du tout le même». Une période où il était parfois plus avantageux de travailler en France qu’en Suisse, dit-elle.

Adolescente, elle fait le choix d’intégrer un lycée agricole, puis une formation en pépinière et fleuristerie. Elle exercera ce métier durant plusieurs années, avant de reprendre des études et de devenir fonctionnaire territoriale. Dans ce cadre, elle est amenée à travailler pour l’agglomération d’Annemasse puis à la création du Pôle métropolitain du Genevois français. Elle participe aussi à l’élaboration du premier projet d’agglomération du Grand Genève. Elle travaillera ensuite au développement économique des territoires de l’Arve et du Salève.

Mais l’envie de passer du côté des décideurs grandit, notamment pour défendre la collaboration franco-suisse. «J’aime m’investir pour faire avancer les choses», avance la députée. En 2014, cette fille d’un conseiller municipal de la commune de Pers-Jussy est élue dans la commune voisine de Reignier-Esery en tant qu’adjointe au maire. C’est le début de son ascension politique. Un an plus tard, elle est élue au département. En 2017, Martial Saddier, député de la troisième circonscription de Haute-Savoie, fait d’elle sa suppléante. Il remportera une nouvelle élection. Et en 2021, il accède à la présidence du département. Christelle Petex est alors reconduite dans ses fonctions de conseillère départementale, tout en étant devenue maire de la commune de Reignier-Esery, en 2020.

Cumul des mandats oblige, Martial Saddier se voit contraint de démissionner de son mandat de député. Christelle Petex devient alors tacitement députée… et doit quitter sa fonction de maire.

Gérer les coups et les déceptions

Fière de ses racines et de son passé, Christelle Petex n’en oublie pas son ancien métier. Sa permanence compte de nombreuses plantes vertes. Lors de notre entretien, elle fixe l’une d’elles. Et sa «carapace» d’élue, apparemment si solide, se fissure. «Ce mandat de député, au fond, je ne l’ai jamais vraiment voulu, confesse-t-elle. Les habitants de ma commune ont ressenti mon départ, après un an de mandat, comme une forme de trahison. J’ai mis du temps à m’en remettre», avoue-t-elle.

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Puis elle évoque des pressions et intimidations subies en tant que conseillère départementale et députée. Notamment celles émanant de ses homologues de parti. A la suite de son vote contre une installation cycliste en Haute-Savoie, une personnalité politique issue des Républicains l’interpelle au Salon de l’agriculture et suggère qu’il a les moyens de mettre fin à sa carrière. «Ce fut quelque chose de violent pour moi et j’ai découvert le vrai visage de ce personnage que je prenais pour un modèle», affirme la députée. Comment fait-elle pour tenir? Garder sa ligne, ne jamais reculer et revenir à ses fondamentaux, pour décompresser. Ses trois enfants et son mari, avec qui elle s’occupe d’une vingtaine de ruches, et les sports de montagne, comme le ski nordique et le ski alpin.

© Christophe Chammartin / Le Temps
© Christophe Chammartin / Le Temps

Profil

1980 Naissance à Annecy le 2 septembre.

2005 Participe à l’élaboration du premier projet d’agglomération du Grand Genève.

2014 Entre en politique en tant que conseillère municipale à Reignier-Esery.

2021 Cesse son mandat de maire pour devenir députée.

2024 Réélection à son poste de députée.

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