CHRONIQUE. Le quotidien centenaire est une faible lueur dans le paysage médiatique israélien: un combat héroïque et tragique, écrit notre chroniqueur Alain Campiotti
Chez le Turc. C’est un banal restaurant pas loin de l’aéroport Ben Gourion. Pourquoi aller manger là? Parce que le fils, qui avait fait son service militaire dans le coin, trouvait que le chawarma y est goûteux. Il y a emmené l’autre jour son père, Gideon Levy. Ça s’est mal passé. Un attroupement s’est vite fait autour de leur table et les insultes ont fusé. Au fils: «Baise la mère de celui qui mange avec les nazis!». Au père: «Tu es un nazi parce que tu te soucies des enfants de Gaza!» Ils ont dû partir sous la bronca.
Gideon Levy est journaliste au quotidien Haaretz, l’un des plus connus, pour ses enquêtes de terrain parmi les Palestiniens et ses commentaires impitoyables contre le gouvernement de Benyamin Netanyahou et les partis qui dominent la scène politique israélienne. Il est sans doute aussi le journaliste le plus haï, le plus insulté du pays. Ce fils d’immigrants d’Europe centrale n’avait pourtant rien d’une tête brûlée. Religieux et nationaliste bon teint dans sa jeunesse, dit-il lui-même, il s’est gauchi en porte-parole du travailliste Shimon Peres, avant d’entrer à Haaretz dont il est devenu une voix retentissante à mesure que le quotidien centenaire passait d’un libéralisme modéré à la critique des suprémacistes et des annexionnistes qui peu à peu s’emparaient du pouvoir en Israël.
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