La troupe du Théâtre du Soleil rejoue à toute allure la Révolution de 1917 dans un spectacle qui éclaire superbement les ressorts historiques de l'impérialisme russe

Dans la mêlée d’Ici sont les dragons, ce spectacle où tout captive. Vladimir Illitch Lénine déboule à l’instant, sur la scène de la Cartoucherie de Vincennes, juché, tel un commandeur ivre, sur une locomotive qui fend la nuit et le chaos de 1917. Il exhorte, en russe, une foule dont la liesse se répand en flammes, il appelle au renversement des badernes, il vocifère, tel un gnome sur son train fantôme, il vampirise les ressentiments, il fédère les humiliés. Il s’échappe des enfers du Théâtre du Soleil et de sa fondatrice Ariane Mnouchkine, tout comme ce paltoquet de Nicolas II, cet orgueilleux de Léon Trotski, ce dandy d’ Alexandre Kerenski, comme tout un peuple aussi, emporté dans le tourbillon d’une fresque somptueuse.

Mais sortons un instant de la mêlée. Il est 19h28 l’autre vendredi, et vous êtes aux portes du Soleil, après vous être régalé, dans son foyer immense, de bortsch et de pirojki ukrainiens. Son âme forte, Ariane Mnouchkine, vous y accueille, comme toujours depuis soixante ans. Elle est l’hospitalité même à l’entrée de la salle, robuste et vaillante comme le rhapsode qui arpente les chemins périlleux de la mémoire, crinière épique parce qu’on ne se refait pas à 85 ans. En vrac remontent les éclats de L’histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge (1985), de Tambours sur la digue (1999), d’Une chambre en Inde (2016), accueilli à Lausanne en 2018, à l'invitation d'Omar Porras.

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