CHRONIQUE. Une équipe de scientifiques de l’Université de Buenos Aires s’est intéressée aux réactions des chiens lorsqu’une dispute éclate au sein de la famille. Leurs résultats montrent que nos meilleurs amis sont loin d’être indifférents à nos querelles
Les chiens coévoluent avec les humains depuis des milliers d’années. Ils ont, au fil du temps, développé des capacités incroyables pour comprendre nos comportements et nos émotions. Des chercheuses argentines se sont interrogées sur le rôle des chiens au sein de la famille lorsqu’un conflit éclate entre deux adultes de leur foyer*. Elles ont demandé à 23 familles, propriétaires d’un chien, de se mettre en scène pour simuler des disputes et analyser ainsi les réactions des canidés.
Deux adultes propriétaires d’un même chien et vivant avec lui depuis plus d’un an devaient jouer deux petites saynètes (20 secondes chacune) à leur domicile: une saynète qu’on appellera «Dispute» et une que l’on nommera «Contrôle». Au cours de la saynète Dispute, l’adulte A jouait l’agresseur, il criait contre l’adulte B qui tenait le rôle de la victime, silencieuse et le regard baissé. Dans la saynète Contrôle, l’adulte A parlait calmement à l’adulte B.
Dans un second temps, les scientifiques ont reproduit l’expérience, mais en demandant cette fois aux participants d’augmenter l’intensité de la scène Dispute: l’adulte A était plus menaçant tandis que l’adulte B montrait davantage de signes de détresse. A la fin des saynètes, les deux adultes s’asseyaient chacun à une extrémité de la salle. Pendant toute la durée de ces expériences, les participants avaient pour consigne de ne pas interagir avec leur animal.
Les réactions des chiens ont été observées pendant et après les mises en scène: les scientifiques ont d’abord examiné la contagion émotionnelle. Lorsque l’intensité de la dispute était élevée, les chiens présentaient des signes de détresse. Etaient-ils, du coup, tentés de se ranger du côté du membre de leur famille qui jouait l’agresseur pour ne pas subir eux aussi son courroux?
Au contraire, quelle que soit l’intensité de la dispute… les chiens prenaient parti pour la victime! Ils se postaient près d’elle lors du conflit et avaient des comportements dits «affiliatifs» (regards, recherche d’un contact). Après le conflit, quand les deux adultes allaient s’asseoir, les chiens se dirigeaient préférentiellement vers l’adulte victime et passaient beaucoup plus de temps auprès de celui-ci que dans la situation Contrôle. Ils réduisaient aussi leur proximité avec l’agresseur.
Ainsi, les chiens choisissent de consoler la victime et évitent l’agresseur après une dispute. A la manière de leurs cousins, les loups, qui pour maintenir la cohésion du groupe vont consoler un membre de la meute qui a subi une agression de la part d’un autre, les chiens joueraient donc un vrai rôle dans la gestion des conflits au sein de leur famille adoptive.
* «Third-party affiliation in domestic dogs during and after a human conflict». 2024. «Ethology», https://doi.org/10.1111/eth.13522