Si le gouvernement français présenté hier soir par François Bayrou recycle de nombreuses personnalités connues, le ministre des finances est un nouveau venu. Taillé sur mesure pour le poste, Eric Lombard hérite du dossier le plus explosif du collège
Actuel directeur général de la Caisse des dépôts (CDC), Éric Lombard a été promu lundi ministre de l’Économie et des Finances, fort d’un bilan favorable à la tête de la puissante institution publique. Il aura la tâche urgente de doter la France d’un budget pour 2025. Egalement chargé et de la Souveraineté industrielle et numérique, il sera épaulé de deux ministres et trois ministres délégués, notamment Marc Ferracci. L’ancien représentant des Français de Suisse au Palais Bourbon conserve son portefeuille à l’industrie.
Mais revenons à Eric Lombard qui, en charge des finances publiques, aura des discussions denses avec Bruxelles puisque la France fait partie des mauvais élèves de l’Europe. Son déficit public qui a dérapé en 2024 devrait atteindre 6,1% du PIB cette année. La dette publique a atteint un niveau de 3300 milliards d’euros (3100 milliards de francs). Son service a un prix élevé pour l’Hexagone, soit 50 milliards d’euros cette année (près de 47 milliards de francs). Une somme qui en fait le deuxième poste du budget public derrière l’Education nationale.
Arrivé fin 2017 à la CDC, ce technicien de l’économie a comme faits d’armes la création de la Banque des territoires, le redressement en catastrophe du groupe ORPEA (aujourd’hui Emeis) éclaboussé en 2022 par un scandale de maltraitance dans ses maisons de retraite. On lui attribue aussi un rôle central dans le rapprochement entre CNP Assurances et la Banque Postale.
Gérer ces dossiers ne l’a pas empêché de deviser politique, sortant de la réserve attendue d’un patron de «la Caisse». «Comment est-ce qu’on gère une institution financière dans le monde de Donald Trump, de Vladimir Poutine et de Xi Jinping, pour citer trois grands démocrates progressistes et éclairés?», s’interrogeait-il en début de mois, lors d’une rencontre organisée par l’association Europe-finances-régulations (AEFR). «Moi je pense qu’il faut regarder les choses avec confiance et puis surtout en étant extrêmement actifs», répondait-il.
Reconduit à la tête de la Caisse des dépôts début 2023, il n’a pas à rougir du résultat financier de ces dernières années: ce bras financier de l’État a réalisé l’an dernier un bénéfice net de 3,9 milliards d’euros (3,6 milliards de francs).
Diplômé d’HEC en 1981, âgé aujourd’hui de 66 ans, Éric Lombard a entamé sa carrière au sein de la banque Paribas, avant de rejoindre la mitterrandie en 1989 auprès de Michel Sapin notamment, puis de revenir à Paribas au lendemain du revers de la gauche aux législatives de 1993. Il y occupe plusieurs postes, dont celui de responsable des fusions et acquisitions en banque et assurance.
Eric Lombard pilote ensuite l’assurance pour la filiale maison de BNP Paribas, puis bascule en 2013 chez l’assureur Generali France. Il est poussé dehors en 2017 par le nouveau directeur général du groupe italien Philippe Donnet. Dans la foulée, et au terme d’un feuilleton de plusieurs semaines, il obtient finalement le poste à la tête de la CDC fin 2017 en remplacement de Pierre-René Lemas, écarté par Emmanuel Macron après avoir atteint l’âge de retraite préfectorale.
Eric Lombard s’était opportunément proposé à la fonction de directeur général de la Caisse des dépôts «si le poste devait être vacant», moins de deux semaines après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Interrogé par l’AFP en 2022, le patron de La Poste Philippe Wahl lui prêtait de grandes compétences techniques et des qualités relationnelles indéniables.
Éric Lombard, déjà pressenti à Bercy en mai 2022, s’est déjà dit «en phase avec l’itinéraire et le projet d’Emmanuel Macron». Il n’hésite pas pour autant à lui lancer quelques flèches, notamment contre la réforme des retraites, la gestion de l’Agence des participations de l’Etat et le Trésor public.
Deux figures l’ont marqué dans sa jeunesse, explique-t-il dans son livre «Au cœur de la finance utile», paru début 2022: son grand-père, industriel du textile implanté à Troyes et collectionneur d’art, et le socialiste Michel Rocard, ministre lors du premier mandat de François Mitterrand et Premier ministre de 1988 à 1991.
«On ne le ressent pas en interne comme un homme de gauche», observe Salomé Vaillant, secrétaire générale du syndicat Unsa. «Pour tout ce qui est social, il n’est pas vraiment au rendez-vous», déplorait-elle, jointe lundi par l’AFP.
Si le profil et l’expérience de mélomane passionné de voile le prédestinent à occuper un poste crucial, le défi qui l’attend paraît presque inhumain, tant sa réussite l’espérance de vie du nouveau gouvernement paraît limitée.