CHRONIQUE. Certains termes sont appelés à comparaître, coupables qu’ils sont de renvoyer à des préjugés ou discriminations. L’historien Carlo Ginzburg s’est récemment demandé en quoi sa position d’observateur diffère de celle des inquisiteurs

Dans un monde qui va toujours plus mal, à quoi bon perdre son temps à des querelles de mots? La Ligue des droits de l’homme, après un palmarès de combat glorieux, s’est lancée dans un nouveau genre de croisade: s’attaquer à la violence clandestine que véhiculent nos mots de tous les jours. L’honorable association, fondée en 1898 dans le sillage de l’affaire Dreyfus, vient en effet d’adresser un appel à une autre vénérable institution, plus vieille de quelques siècles, l’Académie française, pour la sommer de revoir certaines définitions parues dans la nouvelle édition de son dictionnaire.

Les entrées «négrillon», «race», «femme» et «hétérosexualité» passent ainsi sur la sellette afin de leur faire avouer l’inavouable: cette part de racisme, de sexisme et d’homophobie que les mots transportent à leur insu (ou peut-être pas), en renvoyant à une longue histoire de préjugés et de discriminations. C’est donc à la fois comme témoins et comme accusés qu’ils sont appelés à comparaître. Témoins d’un passé révolu et qu’on ne regrettera pas. Accusés de le faire perdurer clandestinement. Ces mots, ou plutôt leurs définitions, car il y a toujours un moyen de corriger le découpage de la réalité qu’ils nous offrent.

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