Le journal britannique a rencontré des travailleurs sous-payés, parfois obligés de dormir dehors. Des entreprises et gérants du prestigieux secteur ont fait déjà fait l’objet de condamnations judiciaires

Derrière une coupe de champagne, des vendangeurs à la rue qui «volent de la nourriture pour échapper à la faim». L’enquête exclusive du Guardian fera sans nul doute grand bruit, à quelques jours des Fêtes. Quatre journalistes du quotidien britannique se sont rendus à Epernay, haut lieu de la filière du champagne français, pour y rencontrer des travailleurs qui témoignent de conditions de travail illégales.

Ces petites mains du raisin constituent l’arrière-cour des grands noms du champagne, tels que Moët & Chandon ou Mercier, deux maisons détenues par LVMH. Une main-d’œuvre pas chère – en deçà du salaire minimum – qui contribue à un marché de pas moins de six milliards d’euros.

Le journal britannique a notamment observé «des dizaines» d’ouvriers chargés de la récolte s’apprêtant à dormir dans l’embrasure du cinéma situé en face de la gare centrale de la ville – un problème récurrent, selon une salariée dudit cinéma.

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Traités «comme des chiens»

Les journalistes ont notamment rencontré Kanouté (nom d'emprunt), qui affirme avoir volé de la nourriture dans des villages environnant Epernay, après avoir été payé 200 euros pour une semaine de labeur – bien loin des 100 euros journaliers garantis par le Code du travail français. Même sous-paiement à quelques kilomètres du village, avec des ouvriers polonais.

Un ancien vigneron du cru se remémore par ailleurs des ouvriers traités «comme des chiens»: «C’est une honte, cela ne donne pas une bonne image de la Champagne.»

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Sollicitée par le Guardian, la faîtière du secteur, Comité Champagne, affirme que «lorsque nous entendons ces termes [traite des êtres humains] associés à notre région, nous ne pouvons qu’être choqués. Ces pratiques honteuses ne reflètent pas l’engagement d’une profession passionnée et la tolérance zéro doit être appliquée.»

Ce n’est pas la première fois que la filière est éclaboussée par les scandales, rappelle le média. Six personnes et trois sociétés viticoles de la région ont été condamnées, en 2020 puis en 2022 en appel, pour «travail dissimulé», «soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes», ou «traite d’être humains».

Plus récemment, le parquet du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a ouvert en 2023 une enquête du chef de traite d’être humains. 57 victimes ont été identifiées, tandis que le procès d’une société de prestation de services, sa gérante et deux hommes s’ouvrira le 26 mars 2025.

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