ÉDITORIAL. Les premières nominations du président élu laissent entrevoir l’ambition d’une transformation des Etats-Unis bien plus profonde que la révolution conservatrice de Ronald Reagan
Constituant son équipe au pas de charge, Donald Trump tient sa promesse d’une rupture radicale avec le président Joe Biden, qu’il a rencontré mercredi à la Maison-Blanche. Un avant-goût de la passation de pouvoir le 20 janvier prochain. Au lendemain de son élection, on pouvait se demander si le nouveau président n’avait pas accompli sa mission réelle: se mettre définitivement à l’abri de la justice. Mais ses premières nominations laissent entrevoir l’ambition d’une transformation des Etats-Unis, bien plus profonde que la révolution conservatrice de Ronald Reagan.
Les projets de Donald Trump sont d’autant plus sérieux que le futur président concentrera des pouvoirs inédits dans l’histoire américaine. Les républicains contrôlent le Sénat et bientôt la Chambre des représentants. Quant à la Cour suprême à la super-majorité conservatrice, elle a étendu l’immunité du locataire de la Maison-Blanche durant la campagne.
Pour aller plus loin
Les autres membres de la galaxie Donald Trump
Pour son nouveau mandat, le 47e président des Etats-Unis pourra compter sur son vice-président J. D. Vance, ainsi que sur d’influentes personnalités, telles que Stephen Miller, ainsi que ses fils, Donald Junior et Eric Trump. Des figures parfois opportunistes, mais résolument conservatrices.
Preuve de cette volonté transformatrice, Elon Musk a été chargé d’une opération commando en dehors de tout contrôle démocratique: faire maigrir drastiquement l’Etat fédéral et tailler dans les régulations, ce qui bénéficiera à l’homme le plus riche du monde et à ses entreprises. Avec la nomination de personnalités très dures sur le dossier de l’immigration, Donald Trump laisse craindre qu’il soit effectivement prêt à expulser des millions de clandestins. Ces plans extrêmes provoqueraient des drames humains incommensurables mais heurteraient aussi de puissants intérêts économiques. La majorité des Américains, opposés à ces expulsions massives, selon les sondages à la sortie des urnes, en sont réduits à espérer qu’il s’agisse d’une posture pour décourager les migrants de rejoindre les Etats-Unis.
Un président rattrapé par la réalité et la complexité des défis
Exemple frappant de ses critères de sélection, le nouveau président a nommé à la tête du Pentagone Pete Hegseth, un ancien militaire décoré sans aucune expérience gouvernementale mais connu pour avoir défendu bec et ongles sur la chaîne Fox News Donald Trump face aux juges. Cet outsider est un adversaire déclaré de la diversité de l’armée américaine qu’il caricature en «wokisme». Il n’aura pas d’état d’âme si Donald Trump veut utiliser les troupes pour sa gigantesque opération d’expulsion ou contre des «ennemis intérieurs».
Le point commun de ces personnalités hétéroclites, dont certaines ont un parcours plus classique, est leur loyauté à l’égard du président élu. Mais Donald Trump reste Donald Trump, irascible, chaotique et incapable de se focaliser plus de dix minutes sur un téléprompteur. Le président, même entouré d’une cour de courtisans et d’idéologues, sera rapidement rattrapé par la réalité et la complexité des défis auxquels fait face la première puissance mondiale.