L’étude de référence «Contexte des sexualités en France 2023» dévoile ce mercredi un panorama vaste des transformations des relations sexuelles dans l’Hexagone sur le temps long

Une sexualité plus variée, moins majoritairement hétérosexuelle, mais des rapports moins fréquents et un niveau de violences inquiétant: une vaste enquête de référence brosse un tableau contrasté des transformations de la vie sexuelle des Français, notamment depuis 10 ans.

Publiée mercredi par l’Inserm et l’ANRS Maladies infectieuses, l’enquête scientifique «Contexte des sexualités en France 2023» est la quatrième depuis 1970 à étudier la vie affective et sexuelle et à les replacer dans le contexte des changements sociétaux: elle dresse un vaste panorama des pratiques et relations sexuelles et de ses représentations. Fruit de cinq années de travail, elle s’appuie sur les réponses à un questionnaire téléphonique de plus de 31 000 personnes de 15 à 89 ans, tirées au sort, en métropole et dans quatre territoires ultra-marins.

Le numérique, le Covid et #Metoo

«Ces dernières années, nous avons assisté à des transformations qui ont eu des incidences sur la sexualité des Français: le numérique, #Metoo mais aussi le Covid…», a commenté devant la presse le Pr Yazdan Yazdanpanah. Ces évolutions «pour la plupart s’inscrivent dans le long terme, bien avant #Metoo» avec «l’évolution du contexte social, de l’autonomie des femmes, de l’égalité, des structures familiales avec de moins en moins de couples, des inégalités sociales qui restent marquées», ou encore des cadres «juridiques avec le mariage pour tous, la PMA», a complété Nathalie Bajos, sociologue et directrice de recherche à l’Inserm.

Dans ses premiers résultats pour la France hexagonale, l’enquête montre «une remontée» de l’âge médian du premier rapport sexuel, à 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes en 2023. Le nombre moyen de partenaires des femmes de 18-69 ans ayant déjà eu un rapport sexuel est passé de 3,4 partenaires en moyenne en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. Pour les hommes, ces chiffres, stables entre 1992 et 2006 autour de 11, ont augmenté «substantiellement» à 16,4 partenaires en moyenne en 2023. Les femmes ne comptabilisent «que les hommes qui ont compté», les hommes «aussi les coups d’un soir», a précisé Nathalie Bajos.

Sexualité «plus souhaitée»

Le répertoire des pratiques s’est «sensiblement diversifié»: de plus en plus d’hommes et de femmes déclarent avoir expérimenté d’autres pratiques sexuelles – masturbation, sexe oral et rapports anaux – que les rapports vaginaux. «Les contours de l’activité sexuelle se modifient», avec des «pratiques sexuelles sans forcément de pénétration vaginale…» et une «sexualité plus souhaitée», un «rejet de la disponibilité sexuelle des femmes de plus en plus marqué», a résumé la sociologue.

L’enquête note en effet une diminution chez les femmes, depuis 2006, de la fréquence des rapports sexuels acceptés pour faire plaisir à son ou sa partenaire sans en avoir vraiment envie soi-même. En parallèle, certains indicateurs d’activité sexuelle ont diminué: en 2023, 77,2% des femmes et 81,6% des hommes de 18-69 ans ont déclaré avoir eu une activité sexuelle avec un partenaire dans les 12 derniers mois, et la fréquence des rapports sexuels lors des quatre dernières semaines a aussi diminué chez les personnes en couple ou non.

Violences sexuelles

Alors que «depuis 2006, la satisfaction sexuelle des hommes a augmenté», «tout le discours consistant à dire que l’égalité entre les sexes, le féminisme, déstabilise les hommes dans leur sexualité et leur virilité n’est pas ce que montre l’enquête» a noté Nathalie Bajos.

Autre phénomène notable: la proportion de personnes s’engageant dans une sexualité non exclusivement hétérosexuelle «augmente très nettement», et «les femmes rapportent pour la première fois en 2023 plus d’expériences avec des personnes de même sexe que les hommes».

L’enquête dresse toutefois «un tableau de l’ampleur (des) violences qui demeure inquiétant». Ainsi, 29,8% en 2023 de femmes de 18-69 ans ont déclaré avoir subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé, contre 15,9% en 2006. Chez les hommes, les chiffres passent de 4,6% en 2006 à 8,7% en 2023. «Ces chiffres traduisent à la fois une augmentation de fréquence liée à la baisse d’un seuil de tolérance aux violences sexuelles intraconjugales», mais aussi «à une plus grande capacité à qualifier ces faits et à les déclarer dans les enquêtes», a souligné Nathalie Bajos.

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