OPINIONS. Deux objets liés au droit du bail sont soumis au vote le 24 novembre. Ils concernent les conditions d’une sous-location et la résiliation d’un bail pour besoin propre. Face à face, le conseiller national PLR Olivier Feller et la conseillère nationale PS Jessica Jaccoud

D’abord des chiffres: les loyers ont augmenté en moyenne en Suisse de plus de 33% depuis le début du siècle. C’est trois fois plus que l’inflation sur la même période. Et certainement beaucoup plus que votre salaire.

Ces augmentations de loyers sur le marché sont dues à trois facteurs principaux: l’absence de contrôle automatique des loyers, la cupidité sans limite des milieux immobiliers et le climat de peur qui entoure les locataires. En effet, ces derniers ont été peu nombreux à contester les hausses par peur des représailles, notamment des résiliations de bail.

Et on les comprend! Quand on sait qu’à Genève, les loyers du marché sont 80% plus chers que ceux des baux en cours, on fait tout pour éviter de devoir changer de logement. Qui dit résiliation, dit loyer plus cher, pour autant qu’on trouve à se reloger… Aujourd’hui en Suisse, 28% des ménages font face à des loyers inabordables. C’est 56% des ménages dans ce cas à Genève, et 36% dans le canton de Vaud. Il est donc parfaitement logique que 80% des locataires souhaitent une meilleure protection contre les résiliations.

La brochure de votation est très claire: les cas de résiliation seront plus nombreux

Fort de ces constats, qu’a fait le parlement fédéral? Il a adopté deux modifications de loi qui faciliteront les résiliations de bail. Oui, oui, vous m’avez bien lue: le parlement estime que la priorité actuelle en matière de droit du bail, c’est de faciliter les résiliations.

Il y a tout d’abord l’objet intitulé «besoin propre». La modification vise à faciliter les résiliations de bail, notamment lorsque les locataires bénéficient d’une période de protection. Exemple: un locataire courageux conteste une hausse de loyer, il obtient gain de cause, même partiellement. Il est donc protégé pendant trois ans contre les résiliations qui seraient considérées comme une mesure de représailles.

Exception à cela: la fameuse résiliation pour besoin propre du bailleur qui serait ici facilitée, tout en limitant, voire en supprimant, la possibilité pour le locataire d’obtenir une prolongation de loyer. Les milieux de l’immobilier tentent de nous faire croire qu’il ne s’agit ici que d’un ajustement mineur. Ne vous faites pas avoir! La brochure de votation est, sur cet aspect, très claire: les cas de résiliation seront plus nombreux!

Le deuxième objet s’intitule «sous-location». La réforme vise à limiter considérablement les possibilités de sous-location, y compris pour les locataires commerciaux. De nombreuses PME ou indépendants se trouveraient dans une situation très problématique quand ils se verraient refuser toute possibilité de sous-location ou que celle-ci serait limitée à quelques mois. Les coiffeurs, thérapeutes, graphistes et autres travailleurs seraient limités dans leurs activités professionnelles alors qu’ils sont déjà saignés par des loyers qui explosent.

On ne peut que rire jaune: s’il existe des abus, c’est bien ceux des bailleurs

Argument phare des milieux immobiliers: lutter contre les abus, sans qu’ils soient cependant en mesure de les chiffrer ou d’en montrer l’importance. A ce stade, on ne peut que rire jaune: car s’il existe des abus en matière de droit du bail, c’est bien ceux des bailleurs qui ont encaissé 100 milliards de francs de loyers en trop depuis 2005 et qui utilisent le motif du besoin propre pour résilier et ensuite relouer plus cher.

Mais revenons à nos moutons. Si le lobby immobilier veut restreindre la sous-location, c’est parce qu’il souhaite augmenter les rocades de locataires! Les bailleurs faciliteront ainsi les cas de résiliation de bail. Et à chaque changement, une augmentation de loyer!

Dernier point concernant Airbnb: cette réforme ne permettra en rien de limiter l’usage des plateformes de location de courte durée par les propriétaires eux-mêmes, qui profitent de ces nouvelles méthodes pour augmenter leurs gains tout en retirant des logements du marché locatif traditionnel. Elle est donc inefficace sur cet aspect, ce d’autant que le droit actuel permet déjà au bailleur de sanctionner le locataire qui sous-louerait de manière abusive, en résiliant son bail et en réclamant les gains réalisés indûment.

Vous l’aurez compris, ces réformes sont des attaques crasses contre les droits des locataires et doivent être largement combattues. Je vous invite donc à les rejeter le 24 novembre.