PLANÈTE FINANCE. Comment une société active dans un secteur durable et disposant de sources de revenus stables peut-elle se diriger vers la faillite, comme elle l’a confirmé mercredi? Sa version diverge largement de celle de son actionnaire majoritaire

Après avoir publié six articles en dix jours sur PrimeEnergy Cleantech (PEC), on en retient une solide impression de gâchis et quelques incertitudes qui seront peut-être clarifiées un jour par la justice. Créée à Bâle mais dirigée depuis Genève, la société active dans le photovoltaïque semble se diriger tout droit vers la faillite. Son directeur général a annoncé mercredi aux investisseurs – l’entreprise en compterait 2000 – que la piste d’un sursis concordataire ne tenait pas la route.

Cela signifie que la société qui opère près de 80 centrales photovoltaïques ne pourra pas tenir en s’appuyant seulement sur les liquidités rapportées par ses filiales, pourtant en bonne santé (l’électricité produite est vendue à des distributeurs de courant avec des contrats à long terme). Cela douche le dernier espoir des petits épargnants qui avaient mis une partie de leurs économies dans des obligations de PEC.

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Sur les causes de ce crash, les versions diffèrent. Selon l’entreprise, le manque de liquidités qui risque de lui être fatal a été provoqué par son fondateur et actionnaire majoritaire, l’entrepreneur bâlois Laurin Fäh, qui n’aurait pas remboursé les importants prêts que PEC lui a octroyés. La communication du 18 octobre de PEC pointe aussi du doigt le garant apporté par Laurin Fäh pour ces emprunts, qui n’a «pas pu ou pas voulu» rembourser. Le montant dû dépasse les 40 millions de francs et une procédure est en cours contre le garant, selon des sources proches du dossier.

Désaccord sur tout, sauf sur la faillite

Laurin Fäh a une tout autre version: non seulement lui et son garant (une entreprise de son frère jumeau) ont remboursé une partie de sa dette – passée selon lui de 19,5 millions fin 2022 à quelque 13 millions actuellement –, mais encore ces remboursements seraient en avance par rapport à l’agenda prévu par les contrats de prêts, qui portent sur cinq ans, précise l’entrepreneur bâlois.

Bref, selon lui, aucun problème de ce côté-là. Cela n’empêche pas qu’il croit lui aussi que l’entreprise fera faillite. Et qu’il a été victime d’un complot mené par le directeur général du groupe (qui ne s’est pas exprimé dans cette histoire) et l’ex-ambassadeur de PEC, l’explorateur très engagé pour le renouvelable Bertrand Piccard. Mi-2023, l’auditeur de PEC, PwC, avait noté dans le rapport annuel que le prêt de 19,5 millions était illégal.

Ce qui laisse une question: si les prêts ont effectivement été remboursés comme prévu, pourquoi PEC ne peut-elle éviter la faillite, si ces crédits sont effectivement à l’origine de ses problèmes? On parle d’un groupe disposant d’une quinzaine de filiales opérationnelles, avec un total de bilan dépassant 200 millions de francs fin 2022, dont 68 millions d’immobilier et 45 millions d’installations photovoltaïques. Un acteur important au niveau genevois aussi, qui a certes perdu de l’argent chaque année depuis 2015, sauf en 2016-2017. On aura peut-être plus d’informations sur ce qui ressemble à un authentique gâchis avec les derniers résultats financiers du groupe, qui ont été soumis mardi à l’approbation de PwC.