CHRONIQUE. L’élection de Donald Trump est le dernier épisode qui mènera la Suisse à se débarrasser de ses illusions, estime notre chroniqueur

«La liberté par les prisons, la paix par la guerre, la démocratie par l’autocratie et les Lumières par le crétinisme… C’est par cet arsenal réactionnaire qu’on obtient le progrès général», énumérait, en colère contre son temps, il y a un demi-siècle déjà, l’écrivain et poète Claude Roy. Cela fait bientôt dix ans, parfois plus, en Russie, Chine, Inde, Turquie ou Hongrie que règnent les hommes forts, les autocrates et la loi des rapports de force. Quand ce n’est pas celle de la violence. Depuis mardi, avec l’élection de Donald Trump, on peut y ajouter «le débat par l’insulte, les relations humaines par la brutalité, la confiance par le cynisme, le libre commerce par le protectionnisme, le multilatéralisme par l’isolationnisme et le droit par l’arbitraire». Si la Suisse en avait jamais eu, il lui faut abandonner ses illusions. Et s’adapter au règne de la loi du plus fort. A la force de la réalité.

La Suisse, qui arrive à la fin de son mandat au Conseil de sécurité de l’ONU, en a fait l’amère expérience: «Les généreuses dissertations ne font que souligner l’impuissance du Conseil de sécurité à agir dans le domaine qui lui est attribué», soit le maintien de la paix et de la sécurité internationale, relevait dans ces colonnes l’ancien ambassadeur François Nordmann. A la fin de son année présidentielle, en 2019, devant l’Assemblée générale de l’ONU, Ueli Maurer avait insisté sur «l’importance de la Charte de l’ONU» et relevé en particulier que «la communauté internationale se doit de protéger les droits des petits Etats». Il avait «invité la communauté internationale à suivre des repères universels». La Suisse sait tout ce que doivent sa sécurité et sa prospérité au respect du droit international et à un libre-échange ouvert avec des règles limitant les mesures protectionnistes. L’interdépendance, le multilatéralisme et le droit international, en particulier les règles du commerce international, ont une importance vitale pour la Suisse, avait insisté à son tour le ministre de l’Economie, Guy Parmelin, pour les 25 ans de l’OMC à Genève en 2020.

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