La RTS propose sur Play Suisse «Ceux qui rougissent», une websérie qui suit une classe d’option théâtre dans laquelle un prof remplaçant vient tout chambouler. Et ouvre des mondes
Ça commence par un monologue pas très inspiré. Une réplique du Songe d’une nuit d’été que déclame le jeune Mani, 16 ans… et le rêve a du mal à décoller. «On s’ennuie, non?» Celui qui assène le diagnostic dans cette salle de gym n’est autre que le prof remplaçant, qui a visiblement récupéré au vol ce cours d’option théâtre avec une dizaine de lycéens.
Et il va tout chambouler, à commencer par la distribution, ce qui ne plaît pas à Milla, tête dure qui jouait le rôle de Hermia et connaissait «tout le texte par cœur». Un prof déterminé, au fil des séances et des exercices, à venir chercher ces jeunes dans tout ce qui leur résiste: l’authenticité, la vulnérabilité, la prise de risque, le ridicule.
Plus encore qu’une pièce de Shakespeare, Ceux qui rougissent, websérie coproduite par la RTS et Arte, offre un spectacle captivant: celui d’un groupe qui prend corps, d’individualités qui s’esquissent. Il y a Ulrich, caïd au phrasé de cité qui préfère le dribble aux comédies féeriques; Nicolas, dont la fibre clownesque en fait une cible parfaite; Kayna, la jolie fille toujours dans le contrôle; ou encore Marie, qui aimerait bien ne pas être si transparente, mais comment?
Si ces personnages sonnent juste, c’est qu’ils n’en sont pas vraiment. Après un vaste casting lancé auprès de 2000 lycées et 100 cours de théâtre, la production a construit le scénario de la série en partant des jeunes élèves-acteurs, qui jouent ici leur propre rôle. Une série puisant donc largement dans le réel, en particulier celui, tumultueux, de l’adolescence.
A la manœuvre, Julien Gaspar-Oliveri, qui lui non plus n’a pas eu besoin de trop fabuler. Le comédien et réalisateur a le théâtre ancré au cœur depuis l’enfance, même si c’est un court métrage, L’Age tendre, qui l’emmenait aux Césars en 2020. A la fois devant et derrière la caméra, il insuffle une intensité folle à toutes les séquences, qui n’ont en soi rien de spectaculaire – il demande à la classe d’habiter l’espace, d’exprimer leurs plus grandes peurs, de s’étreindre… Mais ces parenthèses de mise à nu touchent profondément, comme lorsque les élèves doivent imiter leurs propres parents. Un miroir déroutant…
Huit épisodes de dix minutes, c’est peu, mais assez pour ouvrir des mondes, où la fiction croise le documentaire et où une mise en scène minimaliste, dans le bon sens du terme, laisse éclater l’humain – sensible, drôle, complexe.
«Ceux qui rougissent», une websérie de Julien Gaspar-Oliveri (2024) en huit épisodes de 10’. A voir sur Play Suisse.