Pour sa 20e édition, le festival genevois s’associe à l’Orchestre romand pour un concert qui redonne leurs voix aux compositrices

«Les noms d’auteur et compositeur appliqués aux femmes avec une terminaison masculine sont pour elles une injure véritable.» Ces mots, nous les devons au compositeur et musicologue français Adrien deLa Fage qui, en 1847 s’agaçaient dans La Revue et Gazette musicale de Paris que l’on puisse encore parler de «femmes compositeurs.» Convaincu que l’emploi du féminin d’une activité professionnelle consacre sa légitimité, il faudra néanmoins attendre 1935 pour que «compositrice» intègre le prestigieux dictionnaire de l’Académie. Loin de l’anecdotique, ce refus obstiné de la féminisation de certains mots témoigne d’un déni de création: une femme peut être interprète mais elle ne doit toutefois pas créer. Pourtant Cécile Chaminade (1857-1947), Augusta Holmès (1847-1903), Mel Bonis (1858-1937) toutes trois compositrices françaises sont aujourd’hui redécouvertes et présentées comme des figures majeures de l’histoire musicale du XXe siècle.

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De l’ombre à la lumière

S’il reste difficile d’entendre leurs œuvres dans nos salles de concerts et festivals, c’est précisément pour corriger ces silences que l’Orchestre de la Suisss romande (OSR) s’associe au festival Les Créatives et imagine un concert 100% féminin. C’est la nouvelle cheffe assistante de l’ensemble, Zofia Kiniorska, qui dirigera cette soirée aux côtés de la saxophoniste Valentine Michaud nouvelle artiste en résidence pour la saison qui créera Glasslands, un concerto pour saxophone soprano et orchestre de la compositrice Anna Clyne.

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On pourra découvrir le triptyque de Mel Bonis consacré à trois femmes de légende, Cléopâtre, Ophélie et Salomé, mais aussi la musique d’Augusta Holmès. Compositrice au talent précoce, celle-ci suscitait l’admiration des foules dès son plus jeune âge. C’est sa partition Ludus pro patria, une ode au centenaire de la Révolution française, qui sera présentée. Cette œuvre monumentale, donnée en ouverture de l’Exposition universelle de 1889 avec un orchestre de 300 musiciens et un choeur de 900 chanteurs, sera une consécration. Saint-Saëns écrit: «Il fallait plus qu’un homme pour chanter le centenaire, la république a trouvé ce qu’il lui fallait: une muse!» Le talent extraordinaire d’Augusta Holmes, comme le disait Franz Listz semble avoir ainsi été largement reconnu en son temps. Le concert met à l’honneur également la jeune compositrice suisse Sandrine Rudaz. Installée à Los Angeles, elle est lauréate de deux Hollywood Music in Media Awards et a été nominée au Jerry Goldsmith Awards.Les Créatives x OSR: «Classique & engagé·e·x», Victoria Hall, mercredi 13 novembre à 19h30.

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Les Créatives x OSR: «Classique & engagé·e·x», Victoria Hall, mercredi 13 novembre à 19h30.