La victoire de Donald Trump est plus large que ce que prévoyaient les sondages. Le président désormais deux fois élu est parvenu à conquérir des franges de la population qui lui étaient pourtant hostiles. Comment expliquer un tel retournement?
C’est le plus clivant des présidents américains, pourtant Donald Trump est parvenu à convaincre des franges très diverses de la population. Alors qu’il avait pu se montrer virulent envers certaines communautés, ces mêmes communautés ont préféré voter pour lui que pour Kamala Harris, le mardi 5 novembre dernier. Pourquoi?
Avec les positions anti-avortement de Trump, on aurait pu estimer que le vote féminin se tourne vers Kamala Harris. Si l’on compare les votes des électrices et électeurs, sur la base de sondages réalisés à la sortie du vote, l’écart entre les deux candidats à la présidentielle est de 10 points. 54% des femmes ont voté Harris contre 44% des hommes. C’est la plus petite marge remportée par les démocrates sur cette catégorie depuis 2004. Comment l’expliquer? Les opinions concernant l’avortement ont beaucoup évolué au sein de la population américaine ces derniers temps. Plusieurs États organisaient d’ailleurs un vote sur cette thématique le même jour que l’élection présidentielle. Alors que 60% des citoyens étaient favorables à ce qu’il reste «legal in most cases» en 2022, les derniers sondages montraient une division parfaite de la population (49-49) sur l’avortement. Ces débats n’ont visiblement pas joué un rôle significatif en faveur de Kamala Harris.
Les arabo-musulmans votent historiquement pour les démocrates aux Etats-Unis mais le soutien du président Joe Biden à Israël dans la guerre à Gaza a pesé sur la campagne de Kamala Harris. La vice-présidente n’a pas su se détacher des positions de l’actuel occupant de la Maison-Blanche et aurait donc perdu une partie de cet électorat, particulièrement à Dearborn dans le Michigan, première ville à majorité arabe du pays, où Trump l’a devancée de 6 points (42 à 36).
Depuis Ronald Reagan, Donald Trump est le seul candidat à s’être rendu dans le Bronx, quartier à forte majorité afro-américaine (30%) et hispanique (55%). C’était le 23 mai dernier, et cette occasion lui permettait de faire diversion de son procès dans l’affaire des documents classés. Dans le Bronx, il déclarait ceci: «Peu importe que vous soyez noirs, marrons, blancs ou de n’importe quelle autre foutue couleur, ça ne change rien. Nous sommes tous Américains».
Bien que seuls 12% de la communauté noire aie finalement voté pour lui, de nombreuses personnalités (Byron Donalds, membre de la Black Conservative Federation (BCF), Azealia Banks, MIA, etc.) avaient fait campagne à ses côtés. Certains membres masculins de la communauté noire, surreprésentée dans le système carcéral, voient d’un mauvais œil le passé de procureure de Kamala Harris et clament qu’elle n’est pas une «vraie» Noire.
Beaucoup d’entre eux se sont aussi tournés vers Trump à cause de l’importante inflation sous le mandat Biden. Dans ses meetings, le milliardaire rappelait régulièrement le faible taux de chômage de la communauté noire pendant sa présidence et accusait les migrants de piquer les «emplois noirs».
Les promesses économiques de Donald Trump ont aussi (et surtout!) séduit la communauté hispanique, qui est par ailleurs en moyenne plus jeune, plus ouvrière aussi et moins diplômée que la population blanche.
Kamala Harris a certes remporté 53% des votes hispaniques contre 45% pour Trump mais ce score des démocrates est le plus faible enregistré depuis cinquante ans. Cette fracture sociale hispanique est décrite en détail sur notre site.
Alors qu’il gagnait surtout dans les zones rurales par le passé, cette fois-ci, les gains de Donald Trump sont d’autant plus importants que la zone est peuplée (y compris dans les grandes banlieues). Il a gagné +8,1 points en moyenne dans les comtés du centre urbain.
Les indécis se sont aussi ralliés au républicain en fin de campagne, le gagnant dépassant de 26 points Kamala Harris auprès de cette catégorie.