ÉDITORIAL. Les trois derniers arrivés au gouvernement se ressemblent sur certains plans, par leur prise de risque et une forme de jovialité. Un nouvel élan bénéfique, certes pas exempt de bourdes et d’échecs, mais qui produit certains résultats
Il était littéralement transformé: au moment de son élection au Conseil fédéral, voici à peu près deux ans, Albert Rösti rayonnait du bonheur d’avoir atteint son grand objectif. Enfin, il se retrouvait là où il voulait être, au gouvernement. Le contraste ne pouvait être plus frappant avec son ancien mandat de président de l’UDC (2016-2020), au cours duquel il paraissait parfois faire le poing dans la poche, les pontes zurichois lui soufflant dans la nuque, soucieux de le voir combattre tout embryon de compromis politique.
Une fois en fonction, inspiré de l’héritage de l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi, il n’a pas tardé à se glisser dans le costume de l’homme de collège. Avec une tactique à deux ressorts. Dès le début, il défend sans coup férir la loi climat, un projet contre lequel il avait pourtant personnellement ferraillé au parlement. Dès le début aussi, il se lance dans la mise en œuvre de son programme conservateur et libéral économiquement, imposant la libéralisation du tir du loup et ouvrant la porte au retour des centrales nucléaires.
Albert Rösti cherche à avancer rapidement, pousse, quitte à faire des faux pas, comme quand il accélère exagérément la procédure pour l’abattage du loup ou qu’il déclare sa préférence pour le nouveau président américain, Donald Trump. Normal que ses procédés ne soient pas goûtés par tout le monde. La gauche, et surtout Les Vert·e·s, fulmine.
D’un autre point de vue, sa méthode comporte un aspect intéressant, car elle fait bouger les lignes. Et sur ce plan, la bonne nouvelle, c’est que le ministre UDC n’est pas le seul dans son genre au Conseil fédéral: les deux autres derniers arrivés dans le club des sept, les socialistes Elisabeth Baume-Schneider et Beat Jans, présentent des traits similaires.
Eux aussi tentent certaines choses dans des dossiers délicats, planchent sur de possibles solutions et s’exposent sur des sujets compliqués. On peut penser à la prise de position pro-européenne de Beat Jans l’été passé, ou à la dynamique insufflée par Elisabeth Baume-Schneider aux acteurs de la santé.
Bien sûr, cela ne se fait pas sans ratés. Le Bâlois a fait des annonces sans lendemain, et la Jurassienne a essuyé des échecs, par exemple avec le rejet des conteneurs pour requérants d’asile.
Comme pour Albert Rösti, leur parcours est parsemé de heurts. Mais comme Albert Rösti justement, Beat Jans et Elisabeth Baume-Schneider ont le mérite d’essayer et de combiner cette approche par une proximité joviale qui se marie avec la démocratie directe.
Ce nouvel élan fait du bien. Il entraîne d’ailleurs un changement très concret sur le dossier européen. Beat Jans et Elisabeth Baume-Schneider ont retourné la situation, alors que les socialistes précédents, Alain Berset et Simonetta Sommaruga, freinaient. On a si longtemps déploré l’indécision du Conseil fédéral que cette touche de dynamisme tombe à pic.