La concurrence entre assureurs maladie est intense en Suisse. Pour se distinguer, ils doivent continuellement innover et faire preuve d’efficacité afin que leurs frais administratifs soient aussi bas que possible dans l’intérêt des payeurs de primes
Chaque personne résidant en Suisse est tenue de s’affilier à l’assurance obligatoire des soins. Malgré cette obligation, les assureurs maladie sont soumis à une forte concurrence. Leurs offres et leurs primes sont très différentes. La concurrence les incite à être les plus efficaces possibles dans leur gestion et à proposer les meilleurs produits et services. «Si un assuré n’est pas satisfait, il peut changer de caisse sans aucune difficulté. La concurrence pousse ainsi les assureurs à offrir des services de qualité adaptés aux besoins des gens. Si ce n’est pas le cas, les assurés vont voir chez le concurrent» souligne Verena Nold, directrice de Santésuisse, la principale association faîtière des assureurs maladie.
«La concurrence profite à l’ensemble des payeurs de primes, pour qui le libre choix des produits d’assurance, tout comme celui du prestataire de soins, est essentiel», ajoute Verena Nold. Pour se différencier les uns des autres, les 39 assureurs maladie que compte le pays, doivent faire preuve d’innovation dans leurs offres, proposer un service adapté aux besoins des assurés. Ils doivent également faire preuve d’efficience et maintenir leurs frais administratifs aussi bas que possible.
Les assureurs maladie sont garants de la stabilité du système de santé. Ils assument des tâches essentielles dans l’intérêt des payeurs de primes comme le contrôle des factures. Les caisses vérifient ainsi plus de 100 millions de décomptes de prestations par année, ce qui permet aux assurés d’économiser plus de 3 milliards de francs. Les assureurs proposent par ailleurs une large gamme de prestations à leurs clients. La bureaucratie inutile n’a pas sa place chez eux, faute de quoi ils disparaîtraient rapidement du marché. Les assureurs maladie accordent donc une grande importance à ce que leurs frais administratifs soient aussi bas que possible. Ces derniers ont même diminué si on les compare à l’ensemble des coûts de l’assurance de base, ce qui ne serait certainement pas le cas avec une caisse publique.
Des chiffres récemment publiés par l’Office fédéral de la santé publique montrent à quel point les assureurs maladie sont efficaces. Sur 100 francs de primes, moins de 5 francs servent au fonctionnement administratif des caisses. En 2023, les frais administratifs s’élevaient à 4,9% du montant total des primes encaissées, contre 5,2% l’année précédente. Cela représente 193 francs par assuré ou 1,7 milliard de francs sur un total de primes de plus de 35 milliards de francs. A titre de comparaison, les frais administratifs sont bien plus élevés dans la plupart des autres assurances sociales qui bénéficient d’un monopole. Ainsi, ceux de la SUVA s’élevaient à 16% des primes en 2022, ceux de l’assurance invalidité à 13% et ceux de l’assurance chômage à 10%. Toutefois, les missions et l’organisation des assurances sociales diffèrent à maints égards si bien qu’une comparaison un pour un de leurs frais de fonctionnement est difficile.
Ce ne sont donc pas les frais administratifs qui expliquent la forte augmentation des primes dans l’assurance de base, mais principalement l’explosion des coûts des prestations médicales. Rien que la croissance des dépenses de santé observée l’année dernière (2,3 milliards de francs) était déjà bien supérieure aux frais administratifs de tous les assureurs réunis (1,7 milliard de francs). «La situation a continué à se détériorer: au premier semestre 2024, les coûts des prestations médicales ont à nouveau augmenté d’environ un milliard de francs supplémentaire par rapport à 2023. Les principaux facteurs de coûts sont les prestations médicales et hospitalières ambulatoires, qui affichent une hausse de 400 millions de francs. La croissance des coûts dans le domaine des soins, des médicaments, des analyses de laboratoires et des physiothérapeutes est aussi frappante» détaille la directrice de Santésuisse.
Les principaux facteurs de coûts sont les prestations médicales et hospitalières ambulatoires, qui affichent une hausse de 400 millions de francs
Or les fournisseurs de prestations ne subissent aucune conséquence de cette hausse massive des coûts. Des réformes concrètes sont certes sur la table, mais les milieux politiques sont réticents à les adopter et à les mettre en œuvre. Pendant ce temps, les fournisseurs de prestations, notamment les médecins, les pharmaciens, les laboratoires, l’industrie pharmaceutique et les psychothérapeutes, continuent d’engranger des bénéfices considérables grâce à l’assurance obligatoire des soins.
Contrairement aux fournisseurs de prestations, les assureurs maladie n’ont pas le droit de faire de bénéfices dans l’assurance de base. Pour compenser la hausse des coûts de la santé, ils n’ont guère d’autre choix que d’augmenter les primes des assurés. Actuellement, ils ne peuvent plus utiliser leurs réserves, autrement dit le capital d’épargne des payeurs de primes, comme «variable d’ajustement». «Pendant la pandémie de Covid-19, période remplie d’incertitude, les réserves ont été leur «phare dans la tempête» et ont permis aux assureurs d’éviter de devoir augmenter les primes. Depuis, les réserves ont fondu. Elles ne sont malheureusement plus assez élevées pour lisser les hausses de primes que nous avons subies l’an passé et cette année», explique Verena Nold.
Pour tirer leur épingle du jeu en ces temps économiquement difficiles, les assureurs maladie doivent rester innovants, notamment en proposant de nouvelles offres numériques ou des modèles d’assurance attrayants qui les distinguent de leurs concurrents. Les modèles alternatifs «réseaux de soins», par exemple, permettent d’éviter les coûts inutiles grâce à une meilleure coordination dans la chaîne des soins et donc de proposer des primes plus basses.
Tout assureur qui perd la faveur des payeurs de primes disparaît du marché. Ainsi, le nombre d’assureurs n’a cessé de diminuer ces dernières décennies. Ils étaient encore 246 en 1990 contre 39 aujourd’hui. Cette consolidation se reflète également dans la répartition des assurés entre les caisses maladie: pour l’assurance de base, près de 81% d’entre eux font aujourd’hui confiance à l’un des dix plus grands assureurs du pays.
Chaque année, ce sont environ 8% des assurés qui changent d’assurance maladie. Ce chiffre démontre que la grande majorité des gens sont satisfaits de leur caisse. «Il peut toutefois être utile de comparer les offres des différents assureurs entre elles, et de se poser la question si le modèle d’assurance que l’on a choisi est toujours adapté à nos besoins. Nous avons la chance d’avoir un vaste choix grâce à notre système libéral d’assurance maladie. Profitons-en!» conseille Verena Nold.