ÉDITORIAL. A 6 heures suisses ce 6 novembre, tout indique que le candidat républicain sera bien le 47e président des Etats-Unis. Le retour en force d’un homme qui a aggravé les fractures au sein de son propre pays

On ne peut pas implorer la démocratie et refuser le verdict des urnes. C’est la douloureuse réalité à laquelle sont confrontés tant d’Américaines et d’Américains qui ont rêvé d’élire la première femme à la présidence des Etats-Unis et de barrer la route à Donald Trump. C’est aussi ce que doivent accepter les citoyens d’ailleurs qui ont suivi cette folle élection présidentielle.

Trump, sa rhétorique, son personnage, ses promesses ont convaincu, malgré les mensonges, les insultes et les menaces. Il a été porté par son discours ultra-offensif sur l’immigration, la défense des intérêts économiques américains, notamment face à la Chine, et par plusieurs années de forte inflation, mise sur le compte des démocrates.

Son personnage, incarnation de l’homme fort poussé à l’extrême, a séduit. Son hallucinante capacité de réaction, vue en direct et immortalisée lors de la tentative d’assassinat contre lui en juillet l’a transformé en mythe, celui d’un homme invincible, point levé survivant aux balles d’un assassin.

Donald Trump a fini sa campagne comme il l'a menée

Les valeurs, la morale, la démocratie et les droits reproductifs des femmes n’ont pas fait le poids face à cette somme. Pouvoir d’achat, peur des étrangers, président candidat surpuissant.

Donald Trump a fini sa campagne comme il l’a menée. En remerciant ses fans, mais en insultant ses adversaires et en proférant des mensonges. Si l’on croit ce qu’il a dit depuis des mois, son élection est une très mauvaise nouvelle pour beaucoup. Il a annoncé qu’il se battrait contre ses ennemis, et ils sont nombreux. Il a promis une déportation massive des immigrés illégaux. Il a promis aux femmes de les protéger même contre leur propre volonté, allusion à l’interdiction de l’avortement revenue en force à la suite de son action, insultant ainsi la moitié de la population américaine considérée comme incapable de décider pour elle-même à propos de son corps. Il a décrit une Amérique «great again» repliée sur elle-même et divisée.

La place des Etats-Unis dans le monde n’est pas plus engageante: celle d’une puissance à l’image de ce président caricatural: égoïste, tournée sur elle-même et ses propres intérêts, dénuée de tout sens des responsabilités sur le plan multilatéral.

Elon Musk, le danger

Donald Trump a annoncé l'abandon des investissements dans les énergies renouvelables, une réduction des engagements américains sur le plan climatique et qu’il mettait en question les engagements financiers américains au sein de l’OTAN, alors que la guerre fait rage en Ukraine et au Moyen-Orient. Sans oublier l’augmentation de droits de douane et une promesse de guerre commerciale avec son principal concurrent, la Chine. Un mouvement protectionniste qui fera du mal à l’économie mondiale.

Elon Musk, l’incontrôlable et richissime agitateur en chef est en embuscade. Il poursuivra son action de désinformation sans limite, hors de tout contrôle, et prendra vraisemblablement un nouveau rôle, mélange des genres entre le privé et le public.

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Quels remparts les institutions seront-elles contre ces dérives? Les actions de Trump depuis des mois ont déjà conduit à augmenter la marge de manœuvre du président. En juin, la Cour Suprême des Etats-Unis a supprimé presque toute limite à l’autorité exécutive. Le président jouit ainsi d’une immunité pénale pour presque tous les «actes officiels» qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions.

Construire un monde meilleur, avec d'autres

Si l’on croit certains observateurs qui l’ont pratiquéet que l’on se base sur sa première présidence, il est encore possible de penser que Donald Trump ne fera pas tout ce qu’il a annoncé. Il a parlé de manière caricaturale à son électorat, avec un mégaphone et des stars de sport de combat pour se faire élire. Rien ne garantit qu’il passera aux actes, ce serait d’ailleurs probablement ouvrir trop de fronts en même temps et se mettre inutilement en difficulté.

La manière la plus optimiste de considérer l’élection du 47e président des Etats-Unis consiste à s’accrocher à cette version. Il faut admettre la victoire, résultat démocratique, et chercher d’autres dirigeants, ailleurs, pour construire un monde meilleur.

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