Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a licencié mardi, jour de l'élection présidentielle américaine, son ministre de la Défense Yoav Gallant. Ils étaient en désaccord sur les suites de l'offensive à Gaza et la conscription des ultra-orthodoxes
A peine l'annonce tombée mardi soir en Israël que des centaines de manifestants se dirigeaient vers l'autoroute Ayalon qui contourne Tel Aviv pour exprimer leur colère contre le premier ministre Benjamin Netanyahou qui a licencié son ministre de la Défense Yoav Gallant. Il sera remplacé par l'actuel ministre des Affaires étrangères Israël Katz (Likoud), lui-même remplacé par Gideon Saar (Nouvel Espoir, ancien ministre et rival de Netanyahou au Likoud), qui avait rejoint la coalition fin septembre en tant que ministre sans portefeuille.
Un jeu de chaises musicales qui s'explique par de profonds désaccords entre Gallant et Netanyahou, même s'ils sont tous deux des «likoudnikim». Les deux thèmes majeurs sur lesquels ils s'écharpent? Les suites pour Gaza et la conscription des juifs ultra-orthodoxes. Yoav Gallant s'était notamment indigné du fait que le plan initial de l’état-major israélien conseillant d'établir une alternative locale et non hostile au Hamas dans Gaza n'ait pas été débattu sérieusement. Il n’y aura pas de régime militaire ou civil israélien dans l’enclave; Netanyahou doit faciliter «une gouvernance alternative au Hamas à Gaza» qui ne soit pas l’Etat hébreu, affirmait alors ce militaire qui avait mené l'offensive Plomb Durci dans Gaza en 2008. Une posture bien différente de celle des partis religieux sionistes qui soutiennent Netanyahou, dont de nombreux militants vont jusqu'à espérer réoccuper Gaza.
L'autre pomme de discorde entre les deux hommes, c'est la conscription des juifs ultra-orthodoxes qui représentent quelque 14% de la population israélienne. Ils sont exemptés d'armée pour étudier les textes religieux en vertu d'une loi promulguée à la naissance de l'Etat d'Israël en 1948. Un privilège d'autant plus contesté en cette période de guerre. «Porter ensemble le fardeau du service militaire est un défi national depuis 75 ans. Il s'est présenté à nos portes en temps de guerre, comme nous n'en avons pas connu depuis 75 ans. C'est pourquoi nous devons nous mettre d'accord et prendre des décisions telles que nous n'en n'avons pas encore pris en 75 ans», disait Gallant en février, se faisant le porte-parole de la colère des Israéliens laïcs notamment. Cet ex-général issu des commandos de marine a été mis à pied mardi juste après avoir approuvé de nouveaux ordres de conscription pour 7000 membres de la communauté juive ultra-orthodoxe, aggravant une crise avec le parti ultra-religieux Judaïsme Unifié de la Torah.
En permettant à Gideon Saar de revenir au cabinet, Benjamin Netanyahou bénéficiera d'une majorité de 68 députés sur les 120 que compte le Parlement. Il pourra donc se passer du soutien du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir (extrême droite), dont le parti Force juive compte cinq députés. Encore faut-il que sa décision de limoger Yoav Gallant tienne. En mars 2023, le premier ministre avait essayé de s'en débarrasser après que Gallant se fut opposé à la réforme judiciaire qui devait protéger les intérêts de Netanyahou. La pression populaire avait forcé ce dernier à faire marche arrière. En septembre, même scénario, et Netanyahou avait aussi dû se raviser face au torrent de protestations dans le pays.
Cette mise à pied risquée survient en pleine crise interne. Dimanche, un tribunal israélien a annoncé qu'un ancien porte-parole de Benjamin Netanyahu avait été arrêté pour avoir diffusé à la presse sans autorisation des documents militaires confidentiels, ce qui aurait pu nuire à un accord sur la libération des otages. Le Forum des familles, principale association des proches d'otages retenus dans la bande de Gaza, dont 34 ont été déclarés morts par l'armée, a exigé lundi que toute la lumière soit faite. La mise à pied de Yoav Gallant permettra-t-elle au premier ministre de détourner l'attention de l'embarrassante affaire qui l'éclabousse?