La présidente sortante, fervente pro-occidentale de 52 ans qui a tourné le dos à Moscou après l’invasion de l’Ukraine voisine, affrontait Alexandr Stoianoglo, ancien procureur soutenu par les socialistes pro-russes. Elle arrive en tête avec 54% des voix
Deux semaines après la victoire sur le fil du «oui» au référendum sur l’UE, les Moldaves ont voté ce dimanche pour choisir leur président et confirmer ou non leur destin européen, dans un scrutin menacé par le risque d’ingérences russes. La cheffe d’Etat sortante Maia Sandu, fervente pro-occidentale de 52 ans qui a tourné le dos à Moscou après l’invasion de l’Ukraine voisine, affrontait Alexandr Stoianoglo, ancien procureur soutenu par les socialistes pro-russes.
Elle a revendiqué dimanche soir la victoire. «Moldavie, tu es victorieuse! Aujourd'hui, chers Moldaves, vous avez donné une leçon de démocratie digne de figurer dans les livres d'histoire. Aujourd'hui, vous avez sauvé la Moldavie!», a-t-elle lancé dans un discours à son quartier général de campagne.
La présidente pro-européenne est en tête avec 54% des voix, selon des résultats presque complets de la Commission électorale.
Le président français Elmmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'ont félicité, se réjouissant pour l'avenir européen.
Congratulations, dear @sandumaiamd, on your victory tonight.
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) November 3, 2024
It takes a rare kind of strength to overcome the challenges you’ve faced in this election.
I’m glad to continue working with you towards a European future for Moldova and its people. pic.twitter.com/YcCurwhpCq
Maia Sandu est arrivée largement en tête le 20 octobre avec 42,5% des voix mais son rival de 57 ans, qui en a recueilli près de 26%, peut compter sur le soutien de plusieurs petits candidats. Dans l’entre-deux tours, le camp présidentiel a intensifié sa campagne sur les réseaux sociaux et dans les villages pour tenter de contrer les achats de vote massifs qui ont, selon les autorités, entaché les résultats du référendum, beaucoup plus disputé que prévu (50,35% pour le «oui»).
Après avoir glissé son bulletin dans l’urne, Maia Sandu a appelé à se mobiliser «contre les escrocs», plaçant sa «confiance» dans ses concitoyens «qui ont toujours fait avancer le pays et l’ont protégé du mal». En face, Alexandr Stoianoglo, discours lisse où les mots russes se mêlent souvent à la langue officielle roumaine, a promis d’être «le président de tous», niant «avoir des relations avec le Kremlin» et toute implication «dans des fraudes électorales». Venu voter avec sa femme et ses deux filles, il a défendu «une Moldavie qui ne demande pas l’aumône mais développe des relations harmonieuses avec à la fois l’Est et l’Ouest».
Ce pays pauvre, sous perfusion européenne, est extrêmement polarisé, entre d’un côté une diaspora et une capitale majoritairement favorables à une intégration dans l’UE, et de l’autre, les zones rurales et deux régions, la province séparatiste de Transdniestrie et la Gagaouzie autonome, tournées vers la Russie.
A Chisinau, une retraitée de 56 ans s’exprimant sous couvert d’anonymat, Acsenia, regrette que «des relents soviétiques continuent à imprégner jusqu’à l’os» cet ex-Etat de l’URSS. Natalia Grajdeanu, organisatrice de mariages de 45 ans, a fait le voyage d’Irlande où elle vit. «Nous sommes un petit pays avec un grand coeur et nous voulons que l’Europe soit notre maison», a-t-elle dit à l’AFP. Mais d’autres, comme Zinovia Zaharovna, 75 ans, refusent de se fondre dans l’UE, insistant sur la nécessité de rester «indépendants», et évoquent leur souci de maintenir la «paix».
«Beaucoup craignent d’être entraînés dans la guerre», explique à l’AFP Andrei Curararu, du groupe de réflexion WatchDog. Ils vont donc préférer «un candidat en bons termes avec Moscou, y voyant la garantie de ne pas être attaqués».
Le scrutin est suivi de près de Bruxelles à Washington, où on s’inquiète de la tentative de la Russie de perturber le processus électoral. En amont du vote, la police a signalé d’importantes opérations de désinformation via l’envoi de faux courriels et de menaces de mort, «une attaque virulente» visant selon le premier ministre Dorin Recean à «semer la panique et la peur».
La Moldavie «paie au prix fort» sa décision de couper les ponts avec Moscou, souligne l’expert de WatchDog. «La pression est sans précédent et l’argent déboursé pour mener ces activités de déstabilisation colossal», dit-il, évoquant un investissement total de plus de 100 millions de dollars. Avec un objectif: faire revenir le pays «dans l’orbite de la Russie».
La Moldavie a annoncé dimanche enquêter sur la mise en place présumée par la Russie de «transports organisés» pour permettre aux ressortissants moldaves résidant sur son sol de participer au second tour de la présidentielle. «Il existe des indices raisonnables montrant des transports organisés d’électeurs à la fois à l’étranger et à l’intérieur du pays», a déclaré la police dans un communiqué.
«Les autorités nationales mènent des investigations pour recueillir des preuves au sujet de vols reliant la Russie au Bélarus, à l’Azerbaïdjan et à la Turquie» pour permettre à ses résidents d’aller vote dans les consulats ou ambassades moldaves de ces pays, a-t-elle ajouté. L’objectif est de «préserver l’intégrité du processus électoral et de s’assurer que chaque vote s’exprime librement, sans pression ou influence indues».