ÉDITORIAL. La mort du chef du Hamas rapproche-t-elle la perspective d’une fin de la guerre à Gaza? Rien n’est moins sûr

L’enjeu se résume à une question simple. La mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, tué jeudi par l’armée israélienne, équivaut-elle à une «victoire totale», telle qu’elle a été promise par Benyamin Netanyahou? Les Américains, les Européens, mais aussi les familles des otages israéliens détenus à Gaza se disent convaincus que la disparition du «cerveau» de l’attaque du 7-Octobre pourrait signifier, enfin, la fin de la guerre contre Gaza. Le début d’une ère nouvelle. Mais le croient-ils vraiment?

Yahya Sinouar à Gaza, son prédécesseur Ismaïl Haniyeh à Téhéran, Saleh al Arouri (le «numéro deux» du Hamas) à Beyrouth… Tout comme le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et une grande partie de la direction de la milice chiite, ils ont été assassinés sur le chemin de cette «victoire totale» que veut dessiner le premier ministre israélien. Jusqu’ici, la guerre n’a fait cependant que continuer de s’étendre.

Un Hamas éclaté

Il y a, d’abord, des aspects presque «techniques», du côté de Gaza. Le Hamas, extrêmement affaibli, est aussi plus éclaté que jamais. S’il devait s’aligner rapidement derrière un nouveau chef, la prime serait offerte au plus exigeant, au plus radical. Personne, de sitôt, n’aura sans doute le pouvoir, ou la légitimité, de «trahir» les chefs assassinés en réunissant les otages israéliens disséminés dans Gaza afin de les libérer.

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Restent, ensuite, d’autres caractéristiques, côté israélien, alors que le tic-tac du compte à rebours avant les élections américaines de novembre se fait de plus en plus assourdissant. Finir la guerre, au risque de faire sauter son gouvernement, dont l’aile messianique ne réclame rien de moins que de recoloniser Gaza et d’annexer la Cisjordanie? Pour Netanyahou, répondre aujourd’hui aux desiderata du locataire actuel de la Maison-Blanche (au demeurant fort flous) reviendrait, surtout, à heurter les deux principes fondamentaux qui semblent le guider: faire oublier l’existence même, au-delà du Hamas, d’un peuple palestinien, et «remodeler», par la force, l’ensemble de la région, Liban et Iran compris.

Il y a quelques mois, un arrêt de la guerre à Gaza, basé sur le retrait des troupes israéliennes contre la libération des otages, aurait permis de stopper net la contagion de conflits qui allait suivre. Mais rien n’y a pu. Les quelque 2 millions de Palestiniens qui agonisent dans une bande de Gaza ravagée n’ont d’autre choix que de s’y résoudre: leur «conflit», une fois de plus, est devenu presque périphérique par rapport au tableau général. Aujourd’hui, après la mort de Yahya Sinouar, encore plus qu’hier.

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