ÉDITORIAL. De nouvelles propositions pour durcir la politique migratoire ont été discutées au Sommet européen de Bruxelles. L’Europe est à un tournant. Mais la plupart des idées pourraient rester dans le pur registre déclamatoire et ne jamais se concrétiser

La machine s’emballe. Après de longues et pénibles tractations, les leaders européens se sont entendus il y a 5 mois sur un Pacte sur la migration et l’asile, qui ne devrait entrer en vigueur qu’à l’été 2026. Mais, déjà, de nouvelles propositions de durcissement fusent. Dans un contexte de poussée électorale de l’extrême droite, des scénarios que personne n’aurait imaginé possibles il y a quelques mois font leur chemin. L’Europe est clairement à un tournant.

Des tabous tombent

L’idée de «parquer» des migrants déboutés dans des Etats tiers, hors des frontières de l’UE, en attendant leur expulsion définitive, est dans l’air. On parle de «hubs de retour». Autre idée: construire des centres de rétention pour migrants criminels. Toujours en dehors de l’UE, bien sûr.

Giorgia Meloni a donné le la en matière d’externalisation des procédures d’asile. Cette semaine, l’Italie a transféré vers l’Albanie un premier groupe de migrants interceptés en mer. Et même la présidente de la Commission européenne prône des renvois plus efficaces sans faire des «hubs de retour» un tabou. La semaine dernière, sa commissaire aux Migrations s’efforçait pourtant encore de préciser que cette idée de centres de renvoi dans des Etats tiers ne «venait pas de la Commission».

En quelques jours seulement, les fronts se sont durcis. Happée par cette spirale, la Suisse aussi suit le mouvement. Pour le conseiller fédéral Beat Jans, externaliser les procédures d’asile n’est plus un gros mot.

Lire aussi: Migration: le grand déballage européen

Que faire de cette surenchère, qui donne le vertige? D’abord, respirer un bon coup. Lutter plus efficacement contre l’immigration illégale est peut-être nécessaire. Mais la plupart des propositions d’externalisation sont tout simplement irréalistes.

D’abord, parce qu’il est difficile de trouver des pays tiers qui acceptent de devenir la «poubelle» de l’Europe. Mais surtout parce qu’il y a des principes fondamentaux à respecter. Sous pression, le Royaume-Uni a dû renoncer à son projet avec le Rwanda, incapable de garantir le respect des conventions internationales.

Les Vingt-Sept donnent l’impression de foncer à vitesse grand V vers des modèles ignorant les droits de l’homme qui, il y a quelques mois encore, étaient jugés illégaux. Un développement qui a de quoi préoccuper. Jeudi, à Bruxelles, ils ont toutefois démontré que, sur ce front-là non plus, ils n’étaient pas unis. Ni très précis.

Le climat actuel n’est pas propice à une approche sereine et pragmatique des questions migratoires. Parions que les récentes agitations finiront par se transformer en flop.