ÉDITORIAL. Le Conseil national va décider s’il suit les sénateurs et siphonne l’aide au développement au profit de l’armée. Il serait bien inspiré d’y renoncer

La grande offensive aura-t-elle lieu? Tout dépend du Conseil national, qui, ce jour, doit décider s’il pompe 2 milliards de francs à la coopération au développement pour les donner à l’armée. Les forces politiques étant très partagées, l’incertitude prévaut. Rien ne dit que le National suivra le Conseil des Etats, auteur de la proposition choc. Ce serait bien qu’il rectifie le tir et qu’au final une solution mature s’impose.

Car, que ce soit l’aide internationale ou le renforcement de l’armée, les deux causes ont leur utilité. Opposer l’une à l’autre ne rime à rien.

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Au crédit du réarmement, le fait est que le contexte géopolitique s’est durci et que la Confédération, comme tout Etat, a le devoir de défendre sa population et de s’équiper en conséquence. Augmenter le budget de l’armée, d’accord. Mais pas n’importe comment. ### Un levier d’influence pour la Suisse Il n’y a aucune raison valable de siphonner la coopération au développement. Déjà modeste au regard du produit intérieur brut suisse, et amputée de 1,5 milliard (2025-2028) pour la reconstruction de l’Ukraine, l’aide aux plus pauvres demeure l’un des rares leviers d’influence de Berne sur la scène internationale: elle diffuse les valeurs et la culture suisses, réduit la pauvreté, peut freiner à terme l’immigration, contribue à la sécurité et devrait, théoriquement, ouvrir des débouchés aux entreprises suisses.
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La Suisse, nain géopolitique et militaire, possède une certaine envergure diplomatico-humanitaire. Elle serait bien mal inspirée de s’en passer. On ne peut donc que souhaiter des correctifs avant d’augmenter le budget militaire. Sur le plan du financement, la question des recettes supplémentaires doit revenir sur le tapis. Le sénateur centriste Benedikt Würth (SG) avance, par exemple, une hausse de TVA de 1 point, à répartir entre l’AVS et l’armée. Une idée parmi d’autres.
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### L’armée avale tout Et puis, le Département de la défense peut aussi apporter sa pierre à l’édifice. A quand un grand réexamen interne de ses dépenses courantes de fonctionnement, des coûts de l’instruction, de l’utilisation du matériel, du train de vie général? In fine, les nouveaux milliards promis à l’armée pourraient mieux se répartir au sein même de l’appareil sécuritaire. Il est dérangeant que d’autres services ne touchent que des miettes. Malgré des efforts récents, le cyber a toujours de la peine à tirer son épingle du jeu, tout comme le Service de renseignement de la Confédération. Pourtant, les deux luttent contre des menaces autrement plus aiguës et concrètes qu’une hypothétique invasion russe.