Le défi suisse s’incline 5-2 face à Ineos Britannia en demi-finale de la Coupe Louis Vuitton. Pour son retour dans l’épreuve après quatorze ans d’absence, Alinghi Red Bull Racing a posé des jalons pour le futur avec un équipage jeune qui a beaucoup appris

A Barcelone, l’aventure d’Alinghi Red Bull Racing dans la Coupe de l’America s’est arrêtée mercredi en demi-finale de la Coupe Louis Vuitton, l’épreuve qui doit désigner le challenger autorisé à défier le détenteur de l’aiguière d’argent, Team New Zealand. Dans une série au meilleur des neuf matchs, le défi suisse a été battu 5-2 par Ineos Britannia. Mené 0-4 lundi matin, Alinghi avait su réagir en obtenant un sursis lundi après-midi. Mercredi, les coéquipiers d’Arnaud Psarofaghis ont même remporté la première régate du jour avec une belle avance (1 minute 23) et beaucoup de maîtrise dans des conditions difficiles (vent faible et mer formée), laissant croire à une possible remontada.

L’espoir fut de courte durée. Dans le septième match, Ineos Britannia corrigea son erreur dans le choix de sa voile d’avant et vola - littéralement - vers la victoire et la qualification. Les Britanniques ne connaissent pas encore leurs adversaires en finale car dans l’autre demi-finale, les Italiens de Luna Rossa, qui eux aussi n’avaient plus besoin que d’un point pour se qualifier, ont perdu deux régates contre American Magic, d’abord victimes du vent tombant (au point que la course fut réduite à quatre bords, au lieu des six prévus) puis d’une rupture du rail faisant coulisser la grand-voile. En raison de cette avarie, la troisième régate du jour (prévue si nécessaire) a été reportée à jeudi. Luna Rossa, beaucoup moins souverain qu’il y a dix jours, ne mène plus que 4-3.

Ce rebondissement inattendu confirme l’adage maintes fois répété que tout peut arriver, et parfois très vite, dans la Coupe de l’America où un détail peut faire une grosse différence alors que les niveaux d’ensemble sont très proches. Ineos Britannia, qui avait remporté les Round Robin, avait choisi Alinghi comme adversaire pour ses capacités jugées inférieures dans le petit temps qui s’annonçait cette semaine à Barcelone. Pourtant, le défi suisse a remporté les deux matchs disputés par temps faibles, prouvant sa capacité à s’améliorer et le savoir-faire de son équipage lorsqu’il ne ratait pas son départ. ### «Ce n’est que le début» «Nous sommes vraiment soulagés de passer en finale dès aujourd’hui, assura sans fausses politesses Ben Ainslie, le skipper d’Ineos Britannia. La journée a été difficile. Il faut rendre hommage à Alinghi qui a fait une super première course en termes de gestion du vent.» Du côté d’Arnaud Psarofaghis, toujours en contrôle, la gratitude l’emportait sur la déception. «Nous nous sentons privilégiés d’avoir pu participer à cette épreuve. Nous souhaitons remercier Monsieur Bertarelli, toutes les personnes à terre et tous ceux qui ont permis cette aventure. Nous avons parfois été mauvais sur le bateau mais il n’y a jamais eu un problème technique, jamais une défaillance. Nous sommes une équipe jeune et ce n’est que le début de l’histoire. Nous avons appris chaque jour. Je suis très impatient de voir ce que cela pourra donner dans le futur.»
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Moins bien qualifié des quatre demi-finalistes, Alinghi Red Bull Racing est à sa place en tant que premier éliminé. Son bilan final dans les matchs à enjeu est de cinq victoires pour dix défaites. C’est assez loin des objectifs affichés en décembre 2021 au moment de l’annonce du retour d’un défi suisse, après onze ans d’absence, mais cela correspond à la réalité de ce sport de technologie, de gains marginaux et d’expérience. A Barcelone, Luna Rossa participe pour la sixième fois. Emmené par le quadruple champion olympique Ben Ainslie, Ineos Britannia en est à sa quatrième tentative de ramener un trophée qui fuit l’Angleterre depuis 173 ans et dont Alinghi, à ce jour, demeure l’unique (double) vainqueur européen, aux côtés des Américains, Australiens et Néo-Zélandais, les nouveaux maîtres de la discipline. ### Améliorer ce qui peut l’être C’est en débauchant le meilleur de la voile kiwie qu’Ernesto Bertarelli avait pu réaliser ce rêve fou de ramener la Coupe de l’America dans un pays sans accès à la mer. Un tel coup n’est plus possible aujourd’hui et il faut faire avec les moyens du bord, un équipage 100% suisse donc novice. Arnaud Psarofaghis, 36 ans, Maxime Bachelin, 26 ans, Nicolas Rolaz, 24 ans, et Bryan Mettraux, 34 ans, participaient tous pour la première fois. Ils ont commis des erreurs, parfois spectaculaires, qui sont celles de la jeunesse et de l’inexpérience. Mais ils ont aussi démontré des compétences face aux meilleurs du monde et une aptitude à résister à la pression. En ce sens, les deux victoires de ces derniers jours incitent à parler de déception plus que d’échec.
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Cet équipage-là aurait eu besoin de plus de compétition et de moins d’entraînement, mais le règlement ne le permettait pas. Se concentrant sur ce sur quoi il peut agir à l’avenir, le Team Alinghi va analyser ce qui peut être modifié, c’est-à-dire le bateau, qui a plusieurs fois accusé un déficit de vitesse pure par rapport à ses concurrents. Mais ce travail dépendra grandement de facteurs encore inconnus: les règles du jeu qu’édictera le prochain defender de la Coupe de l’America.