C’est une première en Suisse romande: après avoir fêté le patrimoine début septembre, un événement célébrera le week-end prochain l’héritage culturel des femmes, bien souvent occulté par l’histoire. Trois jours d’événements gratuits, pédagogiques et grand public

Connaissez-vous Aloïse Corbaz? Probable, tant l’artiste vaudoise, internée en asile psychiatrique une grande partie de sa vie et qui ne cessera d’y dessiner, s’est imposée comme une figure emblématique de l’Art brut. Mais qu’en est-il de Lux Guyer (1894-1955), pionnière de l’architecture en Suisse qui ouvrait sa propre agence à Zurich en 1924, avant de concevoir les premiers logements pour femmes célibataires actives? Ou de Tilo Frey, politicienne neuchâteloise et afrodescendante qui défendait, au parlement fédéral dans les années 1970, l’égalité salariale comme la décriminalisation de l’avortement?

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Rarement prononcés, ces noms comptent parmi ceux que l’histoire n’a pas retenus. Raison de plus pour les (re)mettre en lumière, estime l’association Sujettes, qui en a fait les emblèmes de ses [Journées du Matrimoine](https://www.sujettes.ch/), organisées le week-end prochain à Lausanne. Bien moins répandu que le patrimoine, son pendant masculin célébré dans toute l’Europe en septembre, le terme «matrimoine» existait pourtant déjà au Moyen Age, où il désignait les biens hérités de la mère lors du mariage. Aujourd’hui, il matérialise dans la langue, et dans les mémoires, l’héritage culturel légué par des générations de femmes, trop souvent invisibilisées. Une transmission à laquelle compte bien contribuer cette première édition des Journées du Matrimoine, à travers une quinzaine d’événements gratuits. ### Skateboard et Wikipédia Le déclencheur, pour Carla Caucotto, codirectrice de Sujettes, sera la découverte lors d’un séjour à Bruxelles de l’histoire des béguines, ces femmes libres réunies au sein de communautés laïques dans l’Europe du Nord du XIIe siècle, dont l’émancipation passera notamment par leur habitat. «Alors même que, s’agissant de la condition féminine, on a une vision très sombre du Moyen Age!» Pour porter ces histoires, venues du passé mais aussi d’aujourd’hui, Carla Caucotto a conçu, avec Sarah Gutierrez et Amélie Kolly, une programmation variée, «vulgarisée et accessible». Conférence (sur les femmes de théâtre et leurs combats), balades dans la ville mais aussi confection de couronnes de fleurs comme les femmes de la Rome antique ou initiation au longboard dancing (figures rythmées sur un skateboard) – «un milieu souvent associé au masculin qui permet aussi de se réapproprier l’espace public». Samedi, on pourra également se joindre à un atelier «Editathon», où seront rédigées des notices Wikipédia sur des femmes de théâtre et de danse de Suisse – aujourd’hui, seuls 19% des articles biographiques sur la plateforme concernent des femmes. «L’idée est de montrer les biais de l’histoire, comment celle-ci s’est construite et s’est racontée. Et de faire un peu mieux pour la suite!» Une résolution qui fait bouger Lausanne: après un crowdfunding réussi, l’association a reçu plus de candidatures de bénévoles que nécessaire… * * * **Les Journées du Matrimoine**, Lausanne, divers lieux, du 20 au 22 septembre. Programmation complète est à retrouver sur [https://sujettes.ch/](https://sujettes.ch/)