Une soixantaine de personnes ont débrayé jeudi sur la terrasse de la «tour Edipresse». Cette action fait suite aux dernières annonces du groupe Tamedia qui s’apprête à supprimer 90 postes dans les rédactions à fermer deux de ses trois centres d’impression

Le ciel grisâtre, les mines défaites, l’horizon compromis. Au pied de l'ancienne tour Edipresse, une soixantaine d’employés, majoritairement du quotidien 24 heures et du Matin Dimanche, se sont réunis, jeudi matin, pour faire part de leur désarroi face aux récentes annonces de leur employeur zurichois. Tamedia veut réduire drastiquement ses effectifs, principalement en Suisse romande, là où la Tribune de Genève a appris à la fin du mois d’août qu’elle allait subir une révolution de taille, sans en connaître les contours précis. Outre les 90 suppressions de postes annoncées dans les rédactions, deux de ses trois imprimeries fermeront, dès le mois de mars 2025 s’agissant du site de Bussigny.

C’est dans cette ambiance morose, que la conseillère d’Etat vaudoise Isabelle Moret (PLR), est venue soutenir les journalistes et membres des rédactions en jouant la carte de la solidarité. Poignées de mains, discours solennel, visage tourné vers les collaborateurs et non pas vers les caméras, la ministre de l’Economie a voulu rappeler le rôle essentiel de la presse en Suisse romande, elle qui n’a pourtant pas toujours été épargnée par les médias ces dernières années.

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### La bataille d’une profession «Nous sommes très inquiets pour l’avenir du paysage médiatique romand, a-t-elle martelé. Nous vivons un bouleversement historique qui vient ébranler un pilier de notre démocratie. À l’époque des fake news, nous avons besoin plus que jamais d’avoir des personnes capables de vérifier les informations et de proposer au peuple des réflexions plus profondes. Il est exclu que la Suisse romande devienne une centrale de traduction.» Mais celle que l’on surnomme parfois la «fée Clochette» n’a pas sorti de baguette magique. A l’instar de son homologue genevois, le gouvernement vaudois a rencontré mercredi une délégation des rédactions romandes du groupe Tamedia ainsi que du Centre d’Impression de Bussigny et leur a promis que les procédures légales en termes de licenciements seraient respectées. ![La conseillère d’Etat vaudoise Isabelle Moret s’est exprimée face aux journalistes. A Lausanne, 12 septembre 2024. — © VALENTIN FLAURAUD / keystone-sda.ch](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/8bdac5f0-dc2a-44e0-bcc5-690f22756eb1/large "La conseillère d’Etat vaudoise Isabelle Moret s’est exprimée face aux journalistes. A Lausanne, 12 septembre 2024. — © VALENTIN FLAURAUD / keystone-sda.ch")
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«J’apprécie la présence d’Isabelle Moret mais je ne suis pas sûr que ça va changer grand-chose à l’ampleur des licenciements, regrette Alain Rebetez, journaliste vedette du _Matin Dimanche_, qui déplore également l’affaiblissement de la rédaction. Nous sommes une petite équipe qui ne compte plus que 14 personnes depuis l’automne dernier et on nous annonce qu’on pourrait descendre à 10. En un an, plus de la moitié de l’équipe est partie mais on continue à sortir le journal.» Celui qui a longtemps été correspondant parlementaire à Berne pour la RTS a également souligné le fait que cette bataille est celle d’une profession mise en difficulté par un «environnement politique qui vise à affaiblir l’information.» ![A Genève, 12 septembre 2024. — © MARTIAL TREZZINI / keystone-sda.ch](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/1a3e3036-f2d8-4d31-ba23-a3404b586edb/large "A Genève, 12 septembre 2024. — © MARTIAL TREZZINI / keystone-sda.ch") Modérateur de la discussion, Dominique Botti, membre de la rubrique vaudoise de 24 heures, a parlé avec son cœur: «Cette action fait suite au refus de la direction de geler le plan pour la mise en place d’une stratégie 2025-2027 crédible, non déconnectée de la réalité, et discutée au préalable avec les rédactions ou leurs représentants.» Le journaliste a aussi répondu aux attaques de la patronne de Tamedia Jessica Peppel-Schulz qui a pointé du doigt mercredi, lors de son passage au _19 h 30,_ le fait que les Romands coûtaient chers (9 millions par an). «Nous voulons comprendre d’où vient ce montant. Si Tamedia a racheté Edipresse, c’est qu’il y avait une raison financière. Peut-être que ces 9 millions sont le prix à payer pour avoir accès au marché national de la publicité.» Depuis plusieurs années, la presse fait face à des difficultés économiques importantes, marquées par une baisse des revenus publicitaires que les lecteurs ne parviennent pas à compenser.
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### D’autres manifestations à venir En attendant d’avoir des réponses, les rédactions de Tamedia craignent une saignée. Les titres romands pourraient être particulièrement touchés et des projections font craindre qu’un poste sur quatre, voire sur trois soit supprimé. «En sept ans, le premier éditeur du pays à coupé plus de 50% de ses effectifs, 30% au sein de la rubrique vaudoise, témoigne Erwan Le Bec, porte-parole de la coordination des rédactions. Sans un changement radical et sans une aide à la presse solide, ça sera la fin de monuments historiques de la presse que nous avons mis des décennies à bâtir.» Signe que le climat est tendu, Tamedia a refusé de publier ce matin [un message](https://www.heidi.news/suisse/le-message-que-les-journalistes-de-la-tribune-de-geneve-n-ont-pas-eu-le-droit-de-publier) que les journalistes de la _Tribune de Genève_ voulaient faire paraître sous la forme d’un encart publicitaire. La prochaine étape n’est pas encore définie mais les rédactions se tiennent prêtes à repartir au combat «dès la semaine prochaine». Selon nos informations, un débrayage pourrait aussi avoir lieu à Bussigny, là où 72 personnes risquent de perdre leur emploi.